La Rédemption — Paroisse de la Rédemption-Saint Joseph

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La Rédemption

L'histoire de la fondation et de la construction d'une église au sein d'un nouveau quartier au XIX° siècle.

Naissance d’un quartier : les Brotteaux

Ce qu’on nommait « breteaux » ou « îles » comportait des terrains composés uniquement de sables et de graviers recouverts de broussailles, que chaque crue du Rhône envahissait, le fleuve n’étant pas endigué sur la rive gauche, en aval de la Tête d’Or. Aussi les eaux avaient-elles tendance à s’écarter de la rive droite, et la ville de Lyon craignait-elle que le « Rhône, s’éloignant de ses quais, la privât de l’arrivage commode d’une partie des objets essentiels à sa consommation et cessât de nettoyer ses bords des immondices… » Le vieux plan de 1702 révèle le tracé sommaire d’une vaste plaine, semée de quelques fermes, avec, en son milieu, le village de la Guillotière et sa grande, rue, lequel village dépendait alors de l’administration dauphinoise (il ne fut rattaché à Lyon qu’en 1852).

Une grande partie de ces terres appartenait à l’Hôtel-Dieu : le domaine de la Tête d’Or lui avait été légué en 1633 par Catherine Lambert, celui de la Part-Dieu en 1725 par Catherine de Mazenod, veuve Servient. Par la suite, d’autres parcelles furent acquises par ce même Hôtel-Dieu qui pressentait tout l’intérêt de ces « cham péages » et « vorgines » à saules et peupliers. Pour faciliter l’accès à ces terrains jusqu’alors desservis par le seul pont de la Guillotière, deux bacs à traille furent établis en 1745. A la suite de nouveaux ravages causés par le Rhône aux terrains des Brotteaux, prévôts, échevins et recteurs de l’hôpital envisagèrent de « redresser le cours du fleuve en supprimant le bras qui existait le long de sa rive droite ». En 1757, une première digue fut entreprise, mais qui ne défendait que l’amont des brotteaux, les plaines de Villeurbanne et de la Guillotière encore victimes des crues nombreuses du fleuve.

Le véritable créateur du quartier fut l’architecte lyonnais Antonin Morand, décapité le 14 janvier 1794, place des Terreaux. Il avait, lui aussi, compris l’intérêt qu’offraient ces terrains. A son premier plan fort ambitieux qui fut rejeté, Morand en substitua un second qui « avait pour objet de diviser en masses séparées par des percées parallèles et perpendiculaires au fleuve, la portion des Brotteaux dépendant de la commune de la Guillotière, en avant, à droite et à gauche du pont ». On trace les premières allées ombragées (allée des Zéphyrs, allée des soupirs – les noms sont évocateurs, à la fois d’une époque et d’une clientèle). C’est ce tracé qui a donné à quelques variantes près, le remarquable quadrillage géométrique que nous connaissons aujourd’hui. 

Première réalisation : le pont en bois, à péage, construit de 1772 à 1773, « une merveille d’ingéniosité ». Le péage ne fut supprimé qu’en 1865 par Napoléon III et c’est pour remercier l’empereur que fut érigée la fontaine de la place Morand. Ensuite, ce furent lotissements, vente de parcelles, exploitation de terrains, création d’un quartier qu’on appela immédiatement la Ville Nouvelle, construction du pont Lafayette en 1825-1828, ouverture au culte de l’Eglise Saint-Pothin en 1843, construction du pont Saint-Clair en face de l’actuelle place d’Helvétie. L’urbanisation fut lente, car le Rhône continuait ses méfaits. Une branche du fleuve s’était formée à travers les Brotteaux, si bien que vers 1829, le Rhône semblait devoir tourner le pont Morand. Alors furent entrepris les travaux d’endiguements, commencés en 1839, endommagés par de nouvelles inondations, qui ne furent terminés qu’après 1856.

Les constructions alors se multiplient. Nombre de rues sont haussées au niveau des plus hautes eaux, c’est-à-dire de la chaussée actuelle, 2 m au moins au-dessus de son ancien niveau. Les derniers jardins disparaissent et s’ébauche le quartier de Tête d’Or. En cette même année 1856, sur les lônes sablonneuses du Rhône et des terrains dépendant en partie de la ferme de la Tête d’Or, le Parc est aménagé. En 1890, le pont Morand est reconstruit en pierre et un nouveau pont Lafayette est inauguré.

Au milieu du XIXe siècle le développement du quartier amena l’autorité religieuse à dédoubler la paroisse Saint Pothin. La nouvelle paroisse comporterait tout la partie Nord du cours Morand et du cours Vitton, depuis le Rhône jusqu’aux limites de Villeurbanne : ce sera la Rédemption.

 

Les traits humains du quartier

La « Ville Nouvelle » se peupla très vite. La population du quartier était estimée à 9 000 habitants en 1857, et elle ne fit que croître jusqu’à la fin du siècle puisque la paroisse, amputée cependant d’un cinquième par la création, en 1872, de la paroisse de Saint Joseph, comptait 18 000 habitants en 1900 (seulement 14 800 en 1872). En effet, la construction allait bon train : immeubles importants, belles demeures, en pierre de taille, notamment quai de Serbie et Avenue de Noailles, hôtels particuliers, villas avec jardins ; ailleurs habitations plus modestes, parfois de cinq à 6 étages ou cités ouvrières autour de grandes cours, ou encore simples masures groupées autour d’étroits couloirs, les « passages » ou donnant sur des terrains vagues.

C’était moins un faubourg que la ville en expansion avec toutes ses caractéristiques. Elle avait sa mairie, ses conseillers municipaux, la Bourse du Travail, la caserne des sergents de ville, ses lieux d’attraction pour l’ensemble de la ville : les « Folies bergères », grande salle de spectacles et de conférences, le Palais des Glaces, le Jardin d’Hiver, l’Alcazar, des jeux de boules. Elle avait ses usines et ses ateliers : usines de teintures et d’apprêt, ateliers de soieries, fabriques de parapluies et d’ombrelles, une usine de pâtes alimentaires, des épiceries en gros, des ateliers de menuiserie, de carrosserie, des écuries, des entrepôts de fourrages, de louage de voitures, de produits chimiques, de charbon, de bois.

D’où une population très variée, assez jeune, depuis les grands propriétaires, les industriels, les rentiers, les professeurs, jusqu’aux plus pauvres – nombres de familles avaient du mal à habiller leurs enfants pour les envoyer à l’école. Les uns étaient attirés par l’agrément des bords du Rhône et du Parc, les autres par la possibilité de trouver des logements à bas prix. Beaucoup travaillaient pour la soierie comme ouvriers ou employés ; un certain nombre servait de personnel de maison. Un grand nombre de ces humbles venaient des campagnes environnantes.

On trouve alors, sur le quartier, deux écoles importantes : l’école communale de filles du 23 rue Montgolfier, dirigée par les Sœurs de Saint Vincent de Paul jusqu’en 1880, et l’école municipale de garçons, 50 rue Vendôme, dirigée par les Frères jusqu’en 1876 ; également une petite école cléricale et de nombreuses institutions privées. Il est à signaler que les Anglais avaient édifié, au 4 quai de Serbie, pour le service de la communauté anglicane, une belle église néo-gothique qui fut consacrée le 18 février 1873. 

Les registres de l’époque nous permettent de saisir quelque peu ce qu’était la vie chrétienne d’alors. Non seulement le baptême, le mariage et les funérailles en marquaient, pour la très grande majorité, les étapes essentielles, mais encore la participation aux offices était importante puisque, à l’époque de la chapelle provisoire qui pouvait contenir mille personnes, cinq messes étaient célébrées chaque dimanche. En outre, de nombreux groupements s’employaient à favoriser l’entraide et la vie sociale dans la nouvelle paroisse.

 

L’église de la Rédemption

Il fallait, dans l’immédiat, un lieu de culte à cette paroisse nouvelle. Ce ne pouvait être qu’une église provisoire. Plusieurs locaux furent proposés. Le choix s’arrêta sur un hangar de mâchefer de 52 mètres de long sur 13 de large, en partie adossé à des constructions situées Avenue de Noailles (aujourd’hui Avenue Foch, et qui, à l’arrière, débouchait sur la rue Malesherbes. Après transformations, aménagements, ouverture de grandes fenêtres, l’ensemble, avec sa double rangée de fausses colonnes fut trouvé « gracieux et commode ».  De l’ornementation sommaire de cette chapelle subsistent, dans la sacristie actuelle, une Assomption, une Crucifixion et une Résurrection. L’église provisoire servit pendant 20 ans, de 1857 à 1877.

Au début de 1857, l’administration des Hospices céda gratuitement pour la destination exclusive d’une église, un emplacement entre la rue Vendôme et la rue de Créqui, un prolongement de ce qui était alors la place des Graviers. Un premier projet de M. François Benoit, Architecte, prévoyait 70 mètres de longueur et 40 mètres dans a plus grande largeur, mais la Commission des Bâtiments civils refusa l’empiètement sur la rue Vendôme tel qu’il existe à Saint-Pothin et les dimensions furent ramenées à 67,40 et 30 m. Dans sa séance du 14 juin 1867, le Conseil municipal de Lyon approuva le second devis, autorisa l’exécution immédiate d’une première tranche de travaux, et vota un crédit de 300 000 francs payable en cinq annuités. L’Entreprise Duchez obtint l’adjudication des travaux. Ceux-ci commencèrent à kla fin de la même année 1867. Le 28 avril 1868, le Cardinal de Bonald posa et bénit la première pierre de la future église.

Des difficultés survinrent du fait que la démolition de l’Alcazar fut repoussée jusqu’en avril 1869, puis reportée au printemps 1870. L’Alcazar – ou Colisée – était « une salle de concerts et de spectacles en forme de rotonde, entourée de grottes », qui avait son entrée à l’angle de la rue Sully et de la rue Vendôme. L’importance de cette rotonde était telle qu’elle empiétait sur la place Puvis de Chavannes et coupait totalement le transept de droite. « C’était pitié de voir cette grande bâtisse inachevée, avec ses murailles qui noircissaient sous la pluie, ses trois portes murées et ses échafaudages qui pourrissaient ».

Finalement la Ville paya la dernière annuité, un appel fut adressé aux paroissiens et les travaux reprirent. En 1874, la Commission Municipale vota une nouvelle subvention de 300.000 francs. A l’automne 1875, à nouveau légère interruption, due cette fois à un manque de pierre. Enfin le dimanche 4 novembre 1877, l’église bien qu’inachevée était ouverte au culte par le Cardinal Caverot. Le gros-œuvre était terminé mais les murs en pierre de taille brute, le dallage du fond de la nef restaient à faire, les chapelles n’étaient pas aménagées, le mobilier et la décoration étaient inexistants.

En 1877, 1.253.000 francs avaient été versés (la Ville y avait contribué pour 600 000), mais le coût total s’élèvera à 2.000.000. La générosité des paroissiens fut donc considérable. L’aménagement et la décoration intérieurs furent l’œuvre remarquable de la Fabrique, des paroissiens et des différentes confréries. Parmi ces réalisations, figurent les vitraux dus pour la plupart au peintre verrier lyonnais Lucien Bégule et les orgues à Merklin (de quelques jeux en 1879, elles furent inaugurées en 1900 et comportaient 52 jeux).

Les curés successifs furent : Xavier Tamain (1856 – 75), Jean Rubat (1875-91), Etienne Vindry (1891-97), Victor Nitellon (1897-1906), Jacques Serass et (1906-17), Louis Béraud (1917-44), Albert Pignède (1944-56), Louis Carre (1956-68), Xavier JULLIEN de POMMEROL (1968-1985), Alain BOY (1985-1994), Marc NANTAS (1994-1999), Pierre GACOGNE (sept 1999-sept 2006), Georges FAVRE (sept 2006-sept 2012), Jean-Sébastien TULOUP (sept 2012-sept 2016), François DUTHEL (depuis sept 2016). L’église de la Rédemption demeure un édifice inachevé. Si l’intérieur en est assez harmonieux et élancé grâce à sa nef centrale de 30 m de haut et à la luminosité de ses vitraux modernes, l’extérieur paraît lourd et sans grâce. Les sculptures de la façade n’ont jamais été n’ont réalisées, pas plus que les bas-reliefs du tympan, les clochetons de pierre au-dessus du petit portail et le clocher, au-dessus du grand portail, dont la flèche devait monter à 84 mètres.

Une église, comme toute maison de famille, n’est jamais achevée : des aménagements sont nécessaires, des besoins nouveaux apparaissent, des techniques nouvelles sont à utiliser. J’ai dit comme les nouveaux vitraux en avaient amélioré la lumière. A l’occasion du centenaire, les orgues ont été entièrement rénovées et l’éclairage électrique transformé. Chaque génération ainsi, y inscrit son attachement et sa foi.

Pour aller plus loin on peut se procurer à l'Accueil paroissial le livre Eglise de la Rédemption, Editions aux Arts, 2001, 6 euros.